Faire preuve de résilience pour rebondir : Interview de Cyril Moré
Bonjour Cyril, peux-tu te présenter rapidement ?
Je suis Cyril Moré, 43 ans. J’ai été 7 fois médaillé aux Jeux paralympiques en escrime dont 5 fois en or. J’ai la particularité d’avoir également été médaillé aux Championnats du monde de Ski handisport en 2011. Le sport a toujours fait partie de ma vie mais malheureusement, une chute en ski me rend paraplégique en 1992. Je décide alors de continuer le sport en me tournant vers l’escrime à très haut niveau durant plus de 10 ans puis vers le ski alpin. Je suis aujourd’hui chargé de communication dans une grande entreprise Française ainsi que consultant/commentateur pour la TV et la radio. Afin de partager mon expérience, je suis également intervenant sur des séminaires d’entreprises.
Comment as-tu vécu cette crise ?
Comme beaucoup de personnes, avec un peu d’inquiétude et surtout beaucoup d’incertitudes . Chaque jour amenait son lot d’informations et d’inconnues supplémentaires, j’ai donc choisi de ne pas suivre toutes les nouvelles afin de garder de la distance. La situation a été simple à vivre pour moi car elle s’est apparentée à une privation de liberté et de mobilité durant 2 mois. C’est surtout mon handicap qui m’a permis de supporter plus facilement cette crise. En effet, lors de mon hospitalisation après ma chute, je ne maîtrisais pas ma mobilité. J’étais réduit dans mes déplacements, et ce, pendant une période dont je ne pouvais pas déterminer la durée, un peu comme durant ce confinement. J’ai attaché une grande importance à me projeter dans l’avenir, ce qui m’a permis de rester ouvert, dynamique et de préserver une motivation quotidienne. La situation m’a permis de renouer avec la lecture et ses bienfaits, comme une aide à la prise de recul et à l’évasion.
Pourrais-tu partager avec nous l’une de tes compétitions où tu as affronté un échec ?
Depuis 1992 et mon apprentissage de l’escrime, j’ai gagné sur toutes les olympiades : Atlanta, Sidney et Athènes. De plus, j’ai été invaincu entre 2000 et 2008 aux championnats du monde. J’arrive aux JO de Pékin très confiant, avec un mental de gagnant et l’envie de poursuivre dans cette dynamique. Les 10 premiers jours à Pékin sont incroyables. J’ai le temps d’aller supporter les autres athlètes tout en m’entrainant en attendant le début de ma compétition. Je suis dans des conditions optimales. Les épreuves d’escrime de 2008 à Pékin se déroulent les derniers jours avant la clôture. Avec le recul, je n’avais pas préparé cela mentalement et j’étais donc arrivé avec un relâchement total, sans aucune pression. Arrive le début de la compétition, l’environnement est à l’opposé de tout ce que j’ai connu. Mon entraineur est loin, je ne l’entends pas. Le public est beaucoup plus nombreux que d’habitude. Malgré la perte de repère, j’aborde bien la compétition en éliminant en phase de poule mon adversaire le plus fort mais, l’environnement me fait perdre tous mes moyens. J’échoue avant les quarts de finales alors que je me voyais déjà champion paralympique.
Selon toi quels sont les éléments qui t’ont conduit à cet échec ?
J’ai négligé une partie importante : l’environnement. À Pékin, aucun réglage n’était possible car je ne participais qu’à une seule épreuve, ce qui n’était pas le cas lors des dernières olympiades. Ayant participé à plusieurs épreuves, j’avais eu la possibilité de m’ajuster et me régler. Sur la piste, la distance avec mon entraineur a joué un rôle important car il se trouvait très loin de moi. Je ne pouvais entendre et profiter de ses analyses et conseils en direct. En général, le public fait normalement office de deuxième homme a pour effet de booster/rythmer les combats. À Pékin, leurs attitudes et encouragements étaient complètement déconnectés des actions qui se passaient sur la piste car un écran dictait leurs réactions. Il est donc primordial de bien analyser l’environnement pour ne pas être surpris et échouer.
Comment as-tu surmonté cet échec ?
La déception est très importante sur le retour des JO de Pékin, c’est clairement un échec. Très vite, je me suis remobilisé et projeté vers de nouveaux objectifs, c’est ce qui m’a permis de rebondir. J’ai donc décidé de repartir à zéro dans un sport totalement différent, à savoir le ski et d’y investir toute mon énergie pour performer au niveau mondial. La confiance que m’a tout de suite accordé mon entraineur et les résultats rapides m’ont permis de croire en moi et en mon potentiel. En 2011, c’est la consécration de ce nouvel objectif avec 3 médailles aux Championnats du monde de Sestrières, en Italie.
Quels conseils peux-tu nous partager pour rebondir face à un échec ?
Il faut absolument l’analyser et garder un moment de réflexion pour digérer un échec, au lieu de vouloir se projeter tout de suite. Il ne faut pas le voir comme une finalité. L’important est de s’autoriser le droit de rêver à nouveau afin de pouvoir se fixer un nouvel objectif et repartir dans une dynamique positive. Se préparer mentalement à gagner ou perdre est très important. Dans un premier temps, cela permet en amont de corriger une partie des futures erreurs. Dans un deuxième temps, cela permet de pouvoir dédramatiser les situations d’échecs pour rebondir plus facilement et rapidement. Il faut arriver à visualiser les échecs car le fait de les anticiper permet de mieux les affronter.
Un petit mot pour conclure ?
J’espère que l’événement que nous avons traversé permettra à tout le monde de réfléchir à sa manière de penser et vivre. Il ne faut surtout pas oublier que le but est toujours le même, aujourd’hui comme hier, sauver la planète.