Les conseils de Matthieu Péché sur l’esprit d’équipe : Interview
Matthieu Péché (à droite), champion du Monde de canoë biplace et médaillé de bronze aux Jeux olympiques, nous partage sa vision de l’esprit d’équipe le temps d’un interview.
Bonjour Matthieu Péché, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour, je m’appelle Matthieu Péché. J’ai 36 ans. Je suis athlète professionnel de canoë biplace. J’ai été avec le même coéquipier Gauthier Klauss durant toute ma carrière sportive. Nous avons participé deux fois aux Jeux olympiques et avons remporté une médaille de bronze lors des JO de Rio en 2016. L’année suivante, nous avons décroché le titre de champion du Monde. Parallèlement à cela, j’ai des titres de champion de France et des Globes de Cristal en championnat du Monde.
En plus de ma carrière sportive, j’ai toujours réalisé des conférences car j’aime partager les expériences et enseignements que j’ai pu tirer du sport de haut niveau auprès d’un public.
En quoi l’esprit d’équipe est-il déterminant dans le canoë biplace ?
À deux dans le même bateau, en compétition, nous devons nous exprimer sur une minute trente. Nous devons donc faire en sorte que nos pics de forme respectifs soient présents exactement au même moment. Le pic de forme, c’est lorsque votre corps est au meilleur de ses capacités physiques.
Il faut être solidaire dans les mauvais comme dans les bons moments car nous devons jouer avec de nombreux facteurs ainsi que les spécificités de l’un et celles de l’autre. Le coach fait aussi partie de notre équipe, nous formons tous les trois un trépied. Il a un rôle d’arbitre et de manager. Il nous permet de nous mettre d’accord et nous aiguille dans certaines de nos prises de décisions. Nous devons tout de même aussi prendre des initiatives avec Gauthier car au départ de la course nous ne sommes que deux, c’est à nous d’agir. Nous fonctionnons de cette manière, nous formons une équipe depuis nos 7 ans, nous nous sommes vu grandir et notre relation aussi, c’est une équipe de vie.
Mais cet esprit d’équipe n’est pas seulement présent avec mon coéquipier, ceux qui nous entourent jouent un rôle déterminant eux aussi. Je vais utiliser la métaphore de l’orange, avant l’épreuve nous sommes entourés de notre équipe, puis l’orange est épluchée et il ne reste plus que les quartiers, Gauthier et moi. Cependant, sans la peau nous ne pouvons rien faire. C’est la même chose en équipe, nous sommes la force et les athlètes mais sans l’entourage (kiné, coach, famille, etc.) nous n’aurions pas pu arriver à la victoire.
À quelles problématiques d’esprit d’équipe avez-vous dû faire face au cours de votre carrière sportive ?
Nous avons tous les deux des aspirations individuelles différentes.Nous ne sommes pas formatés pour être les mêmes individus, nous sommes complémentaires. Une des problématiques est de gérer ces individualités et d’apprendre à parfois laisser la place à l’une ou l’autre.
La tentation de quitter son équipe est aussi une problématique. Nous avons passé 23 années ensemble, et c’est la force de notre équipe. Cependant, certains éléments extérieurs ont voulu nous séparer à plusieurs moments. Par exemple en 2012, nous avions fini 4ème aux JO et ça a été pour nous un échec retentissant. À ce moment, la tentation d’abandonner et de dissoudre notre équipe était forte, beaucoup auraient laissé tomber. C’est lorsque tout va mal et qu’il faut se remettre en cause que cela devient compliqué car abandonner et tourner le dos à son équipe est une solution facile.
Cependant, nous avons pris la décision de nous remettre en cause et de rester solidaires dans la défaite. Nous n’avons pas abandonné et avons avancé ensemble en restant soudés et présents dans notre sport. Nous nous sommes battus et avons fait preuve de résilience. Quatre ans plus tard, nous avons eu raison de rester solidaire car nous avons gagné une médaille aux Jeux olympiques de Rio.
En tant que champion du Monde de canoë biplace, quelles sont pour vous les clés du succès d’une bonne cohésion d’équipe ?
Je pense que l’équipe au sens large est une des clés. Par exemple en 2017, le championnat du Monde s’est déroulé en France. Le public était rallié à notre cause et le simple fait de mettre le dossard français était notre carburant car nous nous sentions soutenu et membre d’une grande famille, celle de la France. Sentir que ce que vous faites compte et que vous êtes soutenu est donc un élément-clé pour qu’il y ait une bonne cohésion dans une équipe.
Il y a aussi le respect des choix des autres, c’est un élément essentiel. Par exemple, sur nos préparations avant les grandes compétitions, nous gérons l’avant course tous deux de manière différente afin de donner le meilleur de nous-même. Personnellement, je souhaite être seul pour rester concentré à 100%. En revanche, Gauthier préfère voir du monde, que ce soit le public ou son entourage. Nous comprenons chacun les besoins de l’autre dans sa préparation et respectons ses choix. C’est ce qui faisait fonctionner notre équipe.
Pour vous quels sont les liens entre l’esprit d’équipe dans le sport de haut niveau et l’esprit d’équipe en entreprise ?
L’esprit d’équipe comprend beaucoup de choses, nous sommes deux sur la ligne de départ mais il y a toute une équipe derrière sans laquelle nous ne pourrions pas être au meilleur de nos capacités. Le coach est à nos côtés jusqu’aux dix dernières minutes avant le départ, il y a également les kinésithérapeutes qui sont essentiels, les médecins, la famille, les coachs de l’équipe de France, tous forme notre équipe. Cependant, nous sommes la tête de la fusée avec Gauthier, notre entourage nous a propulsés jusqu’au départ de la course, puis c’était à nous d’opérer en duo.
Concernant l’entreprise, c’est une somme d’individualités. Chacun peut faire quelque chose de son côté, mais si ce n’est pas ordonné et que l’objectif n’est pas clair cela ne marche pas. Chacun a une perception propre de la chose. Si nous ne sommes pas d’accord sur la marche à suivre, nous n’irons pas dans la même direction et le projet n’aboutira pas.
Voici le parallèle entre le sport et l’entreprise : un objectif commun !
L’outil primordial à la cohésion et la réussite en équipe c’est la mise en œuvre d’objectifs. Le fait de les lister à court ou long terme est efficace. Notre objectif ultime était d’être champion olympique mais les JO sont tous les 4 ans. Se mettre un objectif avec une échéance de quatre ans, c’est compliqué. Il faut compartimenter, se fixer des objectifs journaliers, petit à petit se surpasser, se dépasser et être une meilleure version de soi chaque lendemain. C’est pareil en entreprise, le manager joue le rôle du coach et inversement, il doit mettre en place des objectifs précis pour ses collaborateurs, les animer pour qu’ils soient meilleurs de jour en jour et que tous aillent dans la même direction.
Quels conseils donneriez-vous aux managers qui souhaitent améliorer la cohésion de leur équipe ?
Il n’y a pas de vérité absolue, car les contextes d’entreprise sont tous uniques, mais selon moi le côté humain est le plus important. Je pense que plus vous tendez à mieux connaître vos collaborateurs et mieux ils se connaissent, plus il sera facile de créer une cohésion entre eux et de les motiver.
Mettez l’humain au centre ! Le manager qui met en compétition ses salariés peut être efficace et motivant, mais à long terme cela peut être rude et l’ambiance de travail peut devenir malsaine. De manière concrète, je pense que favoriser le travail collaboratif lors d’ateliers, tout comme les journées de séminaires dédiées aux salariés peuvent grandement favoriser la cohésion d’une équipe.