Garder sa motivation dans un contexte de crise ?
Bonjour Nathalie , peux-tu te présenter rapidement ?
Je suis double championne du monde d’Ultra-Trail, ancienne cadre manager dans un hôpital et maman à plein temps de deux adolescents. Quelques mois avant mes 40 ans, un ami m’a lancé le pari de courir un marathon. J’ai accepté et relevé ce défi en réalisant le marathon du Mont-Saint-Michel en moins de 3h, suite à cette performance tout s’est très vite enchaîné. J’ai continué pendant 8 ans ma carrière professionnelle et ma carrière d’ultra-traileuse en remportant 4 titres de championne du monde par équipe et 2 titres de championne du monde en individuel. Aujourd’hui en reconversion, je me tourne vers de nouvelles activités avec des interventions en entreprise et des stages de Trail.
Comment as-tu vécu cette crise ?
Le début du confinement a été compliqué à vivre pour moi, j’avais plein de projets en préparation dont des interventions en entreprise et des stages de Trail et tout s’est arrêté brutalement. Ayant investi une année dans le développement de ces activités, les jours qui ont suivi ont été complexes à gérer. J’ai vite intégré le fait que cette situation allait durer et c’est naturellement que j’ai décidé de mettre mes compétences au profit du monde dans la santé. J’exerce actuellement en tant qu’infirmière coordinatrice où ma mission est de coordonner le retour des malades à leur domicile jusqu’à la fin du mois d’Août, avant de reprendre mes activités. Le fait d’être utile et d’avoir repris une activité rapidement m’a vraiment aidée à passer cette période de confinement plus facilement.
Pourrais-tu partager avec nous l’une de tes courses ?
Bien sûr, j’aimerais aborder les championnats du monde 2016 à Gerês, au Portugal. Physiquement et mentalement, j’étais au top niveau et très bien préparée à cette échéance. Mon niveau de confiance était à son maximum grâce à une année 2015 très riche : une victoire au championnat du monde et le titre sur l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. Mon objectif était clairement défini, remporter le titre sur cette course de 85 km et 4500 m de dénivelé. Le début de la course se passe très bien mais au bout de 15 km, je glisse et me fracture une côte. Malgré la douleur, je continue et me sens plutôt bien jusqu’au 50ème kilomètre c’est-à-dire à l’arrivée au ravitaillement. Ma côte me fait mal, le titre n’est plus accessible pour moi et j’envisage alors l’abandon. Malgré cela, je trouve les ressources car le titre par équipe est toujours possible. Les 35 derniers kilomètres sont très compliqués et au bout de plus de 10H d’efforts, je termine à la 4ème place de l’Ultra-Trail et avec l’équipe de France nous remportons le titre par équipe.
Comment as-tu fait pour retrouver la motivation face à la situation et finir cette course ?
Mon objectif était le titre, cette blessure arrivée très tôt dans la course m’avait condamnée. Afin de pouvoir me dépasser, je me suis servie de toutes les victoires et réussites que j’ai connues auparavant en les visualisant afin de pouvoir positiver, plutôt que de rester sur la situation immédiate et rentrer dans une spirale négative et décourageante. Je me suis ensuite employée à découper la course par étapes. Cette méthode m’a aidée à segmenter le parcours en petits morceaux au lieu de voir en face un seul bloc insurmontable. Même si ma condition physique était loin d’être optimale, je me suis rendue compte en faisant le point sur mes ressources internes qu’il était possible de finir malgré la souffrance. Au-delà du coté individuel, le collectif a joué un rôle majeur dans ma motivation car l’entraineur de l’équipe de France a su me remotiver avec des mots simples et justes. En effet, si je ne finissais pas la course, le classement par équipe était perdu d’avance. Cet objectif collectif m’a permis de me dépasser afin de finir la course et remporter le titre collectif.
Que peux-tu nous partager concernant la motivation ?
Face à une perte de motivation, il faut toujours se rappeler des tâches et actions qui ont créé nos réussites. S’appuyer sur des victoires, qu’elles soient grandes ou petites, permet de garder confiance et de se reconditionner en gagnant. L’important pour ne pas subir de baisse de motivation consiste à réaliser un travail de prise de recul. Le fait d’analyser ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas marché permet de comprendre ses erreurs et de ne pas les reproduire. Nous avons tous tendance à aller trop vite et à refaire les mêmes erreurs, ce qui induit un manque de résultat et nous renvoie vers une spirale négative. Il y aussi une tendance naturelle à vouloir tout réussir de manière immédiate , il faut toujours garder à l’esprit que tout le travail et l’énergie investis durant de longs mois ou années finissent toujours par payer. La patience est donc est donc une alliée de la motivation.
Un petit mot pour conclure ?
Il faut toujours croire en soi et en ses propres ressources. Prendre du recul sur nos actions et les réussites du passé sont des réels moteurs de motivation.